J'Habite Un Soupir


À propos de l'auteure

Depuis ma naissance jusqu’à aujourd’hui, j’ai déménagé dix sept fois.

J’ai appris à marcher à Collonges en Haute-Savoie, à faire du vélo avec des petites roues à Mouscron en Belgique, à faire du vélo - sans les petites roues - dans la forêt de Fontainebleau en Seine et Marne, puis j’ai eu une mobylette à la Rochefoucauld en Charente, j’ai appris à conduire une voiture à Angoulême, j’ai été entièrement dépendante de ma voiture à Tours, à Périgueux et à Loudun, et enfin j’ai appris à complètement me passer d'un véhicule à Bordeaux. Mais également ici, dans cette ville moyenne de l'ouest de la France où rien n'est pensé en faveur des usagers à pied.

Concrètement, je n’ai jamais vraiment choisi mon lieu de vie. En fait, à partir du moment où j'ai commencé à travailler, j'ai tourné comme ça, pendant 28 ans, toujours pour aller là où j'avais trouvé un emploi. Parce que je suis aussi montée à Paris, puis descendue en Auvergne. J’ai fait un crochet à Lyon, la traversée de la Camargue, le tour de l'Espagne. Je me suis ensuite envolée pour Londres, plusieurs fois, jusqu'à Tokyo même, à chaque fois pour chercher un emploi.

Dire que j'avais juste à traverser la rue...

J'ai compté, je cumule huit domaines professionnels différents. Et deux licenciements. Pour au final me retrouver ici, sans emploi, coincée. «En fin de droits» plus exactement. Ce n'est pas le plus épatant des statuts.

Je suis rien, comme dit l'autre.

Sans emploi, donc - certes - mais pas sans travail. Pas sans activité. Jamais. Conceptrice web, rédactrice, illustratrice, photographe, mais aussi comédienne, ébéniste... Je m'adonne à la couture, la permaculture, la cosmétique maison ; j'apprends tout le temps. Je sais autant fabriquer un sac dans une vieille robe de chambre en pilou-pilou que coder mon portfolio numérique ou creuser une mortaise aux ciseaux à bois.

D’ailleurs si je ne devais pas seulement comptabiliser le cumul des cotisations dues à mes «emplois rémunérés», je pourrais dire que j’ai tout le temps travaillé. Mais ça... la Caisse de Retraite ne le verra pas sous cette angle.

J'avoue, c'était quand même chouette d'emménager ici, dans un T3 au cinquième étage avec parquet en bois, chauffage central au gaz et vue sur la cime des arbres, quand on a vécu dix ans à Bordeaux dans 25m2 de lino moisi, au rez de chaussée d'un passage tartiné de merdes de chiens, et en colocation avec des termites.

Mais ici ce n'est toujours pas un choix. Depuis neuf ans je vois évoluer mon logement, mon immeuble, mon quartier, cette ville; ça n’arrête jamais, mais jamais pour aller vraiment dans le bon sens.

Moi je voudrais du bois sur les immeubles - je ne voudrais même pas d'immeubles mais des maisons en bois - avec des toits végétalisés, des potagers partagés, partout des arbres, des fleurs et des gens à vélo, des troquets, des resto-guinguettes et des marchés des quatre saisons tous les jours...

Portion de balcon avec bois, bambou, pot et jardinière d'où se dressent des vivaces, des graminées blondes et mauves et un souci jaune

...des librairies-salons-de-thé à chaque coin de rue, des mini bus électriques qui s'arrêtent à la demande, des kombinis coopératifs de vrac bio local, des friperies-lavomatiques, des cabanes perchées où contempler les oiseaux, des terrasses ombragées où écouter le silence...

Parce que chez moi, c’est nulle part. Et c’est partout.
Donc j’aimerais juste une fois, juste une, pouvoir décider à quoi il peut ressembler.

Et puis j'aimerais aussi ouvrir une nouvelle voie : travailler pour soi, produire spontanément de la valeur, et pour ce travail, toucher automatiquement un salaire.

Le 01 mai 2016 — Posté par corOllule dU cHamp Du pOirier dans Présentation

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